A PROPOS DES PHOTOS DE FEMMES TSIGANES D’ERIC ROSET PAR CLAIRE AUZIAS
Les Tsiganes font partie de ces sujets choyés des photographes: exotisme garanti, force visuelle. Quel que soit le style du photographe, il trouvera son content dans ces personnages de tous pays unis dans une puissance évocatrice qui fut souvent célébrée: En Arles, avec ne serait-ce que Lucien Clergues, l’illustre prédécesseur; mais on trouve des photographies de tsiganes de tous pays depuis le XIXe siècle dans les musées d’Europe.
Eric Roset s’inscrit donc dans cette tradition picturale qui saisit un moment d’expression et nous l´offre pour l’immobilité à venir. Mais ses photos des femmes, davantage que de ses autres sujets et personnages, sont signés d’une idiosyncrasie reconnaissable de loin: Ses femmes sont ultra-modernes, peut- être même post -modernes.
Elles vivent en divers pays d’Europe, rurales ou urbaines, caravanières ou sédentaires mais jamais elles ne sont figées sur papier glacé pour la postérité des stéréotypes qui ont tant fait dans la construction d’une Gitane imaginaire: Non; les femmes observées par Eric Roset n’ont pas à rougir de leur place dans l’Europe d’aujourd’hui, car elles agissent comme toutes les femmes d’ Europe: elles s’assoient entre elles pour parler, entre femmes: deux amies ici, trois commères là-bas, quatre ouvrières romnia ailleurs: des enfants se maquillent, d’autres posent avec la moue boudeuse, voire contrariées carrément. Elles travaillent. Ici les vendanges, là la cueillette, plus loin la cuisine dans des conditions précaires, la marmite en plein air: Les femmes tsiganes photographiées par Eric Roset, ont fui tous les stéréotypes pour camper indubitablement dans le monde actuel, en blue-jeans et Adidas, à moto, en Tongue made in China rose fluo, comme tous les gens de la planète aujourd’hui qui partagent leur niveau économiquement faible.
On peut rendre grâce à Eric Roset de s’être écarté de la voie esthète de nos jours rebattue, pour nous conduire vers une autre réalité des femmes tsiganes, celle qui rejoint l’ordinaire de tout-un-chacun. En cela il est précurseur, et loin devant les usages photographiques généraux du monde tsigane.
Claire Auzias, 30 novembre 2009